Pour le défi 144 des Croqueurs de Mots
Vous avez dit ‘addiction’ ?
Mon mari était un ‘fouteux’, entendez par là un accro au foot.
Jusqu’à la quarantaine il a pratiqué ce sport sur le terrain. Ah ! Ces dimanches passés par tous les temps derrière la ligne des buts à le regarder jouer ! Oh ! Ces lundis à laver ses tenues et à récurer ses chaussures !
Lorsqu’il a décidé de ranger les crampons j’ai cru que j’allais enfin souffler ; mais non : il est devenu un ‘fouteux de salon’ !
Il ne fut plus alors question de matinées dominicales au grand air certes, et à la quarantaine, moi aussi, j’en fus ravie. C’est en intérieur douillet que mon mari poursuivi sa passion : des samedis et dimanches après-midi entiers, de longues soirée en semaine aussi le foot-télé régna sur notre maison.
Je n’ai rien contre le foot ; j’ai même appris à apprécier l’art jambesque des joueurs professionnels ; je me suis même laissée captivée par quelques coupes du monde, mais si !
Très tôt nous avons eu ‘canal +’ et mon mari, généreux et partageux, invitait ses copains à la maison. Ah ! La joyeuse bande de ‘fouteux’, tous en alerte, criant, bondissant même dans le salon, descendant allègrement les canettes de bière pour soutenir leurs émotions ! Oh ! Le dur labeur, après le passage de la meute, pour récupérer le plancher car tous n’avaient pas la délicatesse de laisser les chaussures dans l’entrée !
Un jour où nous étions en vacances chez ma sœur dans le Val d’Oise, c’était un dimanche de mai et il faisait beau, ma sœur nous proposa une ballade dans le Vexin. Ce fut un bel après-midi à la découverte d’une région que nous ne connaissions pas. Nous étions bien et, vers dix-huit heures, ma sœur nous proposa de terminer cette belle journée au port de Cergy ; « On pourrait même dîner dans un petit restaurant avant de renter ? »
Aïe ! Depuis un petit moment j’avais repéré l’œil gauche de mon mari qui filait en douce vers sa montre et, ce que je craignais arriva mais ce fut par des chemins détournés cependant :
Mon mari accusa soudain un coup de fatigue après ces moments de marche et de station debout prolongée ; il préférait rentrer ‘à la maison’ pour se reposer. Mon œil ! Ni ma sœur ni moi ne furent dupes, nous savions bien qu’il y avait un match à la télé ce soir-là. Nous nous sommes regardées complices et avons accordé à ce cher Guislain … le droit à la fatigue plutôt que l’aveu à l’addiction !
Et c’est ainsi que, après un apéro-dîner bâclé, nous avons joué au scrabble sous les éclats de voix passionnels et conjugués du commentateur télé et de mon ‘fouteux’ de mari !