Pour le défi 141 des croqueurs de mots proposé par Enriqueta
(je poste ce soir car demain ce ne pourrait pas être avant ... 14 heures)
C’est au fond du grenier, dans une boite en carton jauni, que j’ai aimé maman !
J’étais l’aînée de six enfants ; ma mère exigeait beaucoup de moi pour la seconder et avait cette fâcheuse manie de toujours me punir pour toutes les bêtises de la fratrie.
J’avais, je l’avoue quelques difficultés à l’aimer de tout mon cœur.
Pour éviter les corvées de dînette et de petites voitures, pour échapper aux tirages de tresses et autres joie d’une famille trop nombreuse, je m’éclipsais dans le grenier.
Ce grenier, véritable caverne d’Ali Baba, m’envolait dans des rêves tous plus extravagants les uns que les autres.
Coiffant le haut de forme de mon grand-père et chevauchant son vieux vélo sans roues, je partais à la conquête de mille et une aventures.
Me vêtant d’une antique robe au corsage dentelé, m’enveloppant d’un châle aux teintes délavées, je devenais princesse et attendais mon amant.
Mon imagination fertile donnait vie à toutes les richesses accumulées depuis plusieurs générations. Je ne faisais donc pas qu’y rêver, je partais aussi en un voyage dans le temps d’avant pour deviner l’histoire de mes ancêtres : un chemin de mémoire à travers les papiers, lettres et cartes postales.
Un jour je me suis décidée à couper la ficelle d’une boite en carton qui m’intriguait depuis trop longtemps ; quelle découverte ! Mon cœur se mit à battre à tout rompre devant une collection d‘aquarelles : des fleurs, des paysages et quelques portraits peints avec une infinie délicatesse ; de vrais chef d’œuvres.
Je fus à deux doigts de défaillir lorsque, osant en retourner une, je découvris … le nom de ma mère !
Maman, toi si rigide et exigeante, toi qui mène la barque de la maison avec une telle autorité ; mais pouvais-je comprendre que tu n’as peut-être pas d’autre choix pour éviter la grande dérive ?
Ah ! Que n’ai-je connu plus tôt la délicate jeune fille qui rêvait sans doute en peignant si tendrement la vie !
Tout doucement j’ai refermé la boite ; après un baiser je l’ai précieusement déposée dans le bas de l’armoire : à présent je savais où trouver le grand cœur de maman pour apprendre à l’aimer !