Pour relever le Défi 139 des croqueurs de mots proposé par Enriqueta sur le thème de la résistance:
Au lendemain de toutes ces journées de commémoration, lorsque je lis ce mot ‘résistance’, je ne peux que penser à cette période de guerre ouverte et de guérilla cachée dans les maquis, de déportations et de collaboration aussi qui se sont faites années de jeunesse pour nos aînés.
Mon père, ce héros ! Non il ne voulait surtout pas qu’on le considère ainsi!
Papa était un résistant : Pour fuir le STO (service du travail obligatoire en Allemagne), il avait fui l’épicerie encore paisible de ses parents et avait rejoint un groupe de maquisards dans la ‘Poche de Saint Nazaire’. Il n’en était pas revenu indemne et pourtant, lorsqu’il nous parlait de cette époque, ce n’était que pour évoquer ce qui, pour lui et ses compagnons d’infortune, avaient été de bons moments … Ici ou là, il faut bien que jeunesse se passe et s’éclate un peu !
Il nous racontait comment, avec un ou deux autres, ils faisaient en nocturne de périlleuses sorties en rase campagne pour tenter de rejoindre les habitations les plus proches avec un seul objectif : effectuer de savantes dérivations de courant et alimenter leur unique récepteur-émetteur, seul lien avec le reste de la France.
« Ces nigauds de paysans, ils planquaient des pièges à gibier dans leurs fermes pour nous coincer mais ils ne savaient pas à qui ils avaient à faire ; nous, les p’tits gars résistants on avait plus d’un tour dans notre sac pour leur emprunter un peu de courant ! »
Il nous relatait, presque en riant, comment ils troquaient leurs rations militaires bien ‘dégueulasses’ contre des poulets ou des morceaux de cochon :
« Ils étaient tellement fiers, ces braves paysans, d’avoir des boites ‘riquaines’ dans leurs placards qu’on n’avait même pas besoin de négocier ; c’était un peu plus difficile pour les patates et les navets parce qu’on n’avait plus rien à donner en échange mais il finissaient souvent par se laisser attendrir par nos allures de ‘gosses aux abois’ ; si on tombait sur la fermière, elle ajoutait même quelques morceau de pain ; si on tombait sur un ‘vieux de la vieille’ il nous filait une chopine de gros rouge.
Avec tout ça, le cuistot, qui était cantonnier dans la vie, nous mitonnait des pots aux feux meilleurs que ceux de votre grand-mère et on se faisait de ces sacrés ‘chabots’ !
Jamais papa ne s’est plaint, jamais il n’a parlé de ces nuits à la belle étoile dans la pluie et le froid, la trouille collée au ventre : C’était sa vie de jeune homme et il ne voulait penser qu’il était passé à côté de ce qu’on appelle les ‘plus belles années’ !
Résistant, oui, je pense qu’il était fier de l’avoir été mais il ne fallait surtout pas lui dire qu’il était un héros parce que, il nous l’avait expliqué :
« Si on ne voulait pas être collabo, on n’avait pas beaucoup le choix : c’était ça ou l’Allemagne »
Pour moi, il était quand même ‘mon Père ce héros’ … la seule petite ombre au tableau c’est qu’il n’avait pas su emprunter le chemin de la résilience ; malgré tous ses effort, toute sa bonne volonté, et bien qu’il ait su accueillir chaleureusement ma correspondante allemande, pour lui, jusqu’à son dernier souffle les allemands étaient restés des ‘boches’… Ultime résistance de ses souffrances passées!